notice biographique, par Victor Khagan


Jules Joseph Brunin est né le premier mai 1934 à Schaerbeek, d’un musicien polonais de passage et de Suzanne Quévy, une enfant de quatorze ans,  le jour anniversaire de celle-ci,  qui vit seule avec sa mère Eugénie.  Ils vivent à Péruwelz.  Jules recevra à l’âge de quatre ans,  officiellement et devant tous,  à la ferme de Grosmont,  le patronyme de Yvon Brunin que sa mère a épousé le jour de ses dix-huit ans.  Il s’agissait du fils de Alida Soudan (de Wiers) et de Louis Brunin (natif de Péruwelz).  A l’entrée de la guerre,  se retrouvant seule avec sa mère,  Suzanne se décide à l’abandon de Jules.  

Le petit Jules est donc livré par sa mère au ministère de la justice le 2 février 1942,  soit à l’âge de huit ans,  et il est  incarcéré à la prison de Tournai « faute de place ailleurs ».   Il fera différents séjours en homes jusqu’à l’âge de ses dix-huit ans,  ne devant parfois sa survie qu’au prix des pires rebuffades : à l’institut St.Antoine à Ciney d’abord,  avec un intermède au château de Hogne en 1944;  puis au home de St.Hubert  où il subit les pires outrages.  Par deux fois durant cette période,  sa famille aura l’occasion de le reprendre et Jules reverra ainsi sa mère à laquelle il pardonnera toujours.  Ensuite, il est transféré à Mol-centre, pire qu’une véritable prison et qu’il quittera pour l’institut psychiatrique.  On lui offrira comme échappatoire,  devant l’évidence de sa santé mentale,  un engagement à l’armée belge,  d’où il désertera.

Il retrouve alors sa mère et celle-ci l’accepte chez elle durant une petite année, « pourvu qu’il travaille et rapporte de l’argent »,  un argent qu’il va chercher au fond de la mine.    A’ cette époque, son demi-frère Yvon est encore en home et Jules le revoit.  Hélas,  celui-ci décèdera très vite de maladie, au grand chagrin de son aîné.  La cohabitation avec sa génitrice et son compagnon s’avérant difficile, Jules se décide alors à prendre la route.  Ses tribulations le conduisent en France où il s’engage sur un navire commercial à destination de l’Espagne,  comme manoeuvre à l’alimentation des chaudières.  Puis,  il s’installe à Bordeaux suite à sa rencontre avec Jacqueline,  sa première femme.  Il en aura une fille et un garçon.  Plus tard, définitivement éloigné de son foyer,  il devient représentant de commerce pour une chaîne de grands magasins parisiens et couvre la région Normandie / Bretagne.

Perdant son permis de travail en France au décès de Jacqueline,  Jules  revient en Belgique. Il réside alors à Bruxelles où il se marie avec Émilie qui lui donne un deuxième fils.   Mais,  hanté par les souvenirs,  Jules se décide   pour un engagement en Afrique où il est formé comme infirmier.  A’ son retour,  désoeuvré et désamparé,  il accepte,  pour forcer le sort,  de s’impliquer dans un « casse » dont il pense destiner le fruit à ses enfants.  Il est dénoncé quelques jours après et l’aventure lui vaut quatre ans de prison.

Là,  soutenu par un aumônier,  il rédige son premier livre, publié en deux parties :  « L’enfer des gosses »,  paru en 1975,  puis « Condamné à vivre » paru en 1979 (éditions Jacques Antoine,  aujourd’hui devenues éditions Les Éperonniers) .  En 1975,  également,  on trouve encore trace d’un manuscrit : «Un môme,  des salauds et les autres » confié à la Société belge des auteurs et des éditeurs,  scc.

Le succès de ces deux premiers volumes lui permet de se dévouer de façon désintéressée à la cause de l’enfance maltraitée.  Il s’est installé entre temps à Cul des Sarts,  dans le Hainaut, avec sa troisième femme,  Chantal,  qui épouse sa cause et lui donne deux autres garçons.  Grâce à leur action commune,  de nombreux enfants de différents homes de Belgique trouveront une famille d’accueil et connaîtront ce que lui-même a tant regretté :  la chaleur d’un foyer.

Jules Brunin forcera aussi de nombreuses interventions judiciaires et des arrestations ou des licenciements d’éducateurs abusifs : c’est encore grâce à lui que prendra fin le scandale du home Reine Fabiola, à Marcinelle.

Avec l’aide du réalisateur Joao Correa et de plusieurs avocats,  aujourd’hui professionnels réputés,  il sort alors un film « Les enfants de l’oubli » qui sera primé en Allemagne mais saisi en Belgique,  dès sa sortie au Théâtre 140.  Il participe ensuite,  avec le même groupe,  à la rédaction de la « Charte des droits de l’enfant »,  puis obtient une modification importante de la loi de 1965 sur la protection de l’Enfance.

Jules Brunin se fait alors arrêter et incarcérer pour avoir dérobé de nuit des documents administratifs  dans un home de l’État.  En cellule,  il écrit « L’injure » (éditions du 22 Mars),  aujourd’hui épuisé,  dans lequel il met directement en cause certains juges des enfants et quelques responsables politiques de l’époque.

Gracié par l’intervention de Sa Majesté la Reine Fabiola,  il décide de créer une école de voile en vue de favoriser la réinsertion des enfants des homes.  Mais en apprenant à naviguer,  il s’éprend de la mer au point qu’il traversera les océans comme navigateur solitaire durant de longs mois.

Au cours d’un séjour à Ayamonte,  en Andalousie,  il perd cependant son « Meermin»,  coulé dans le port ;  plus tard,  un second voilier lui est dérobé sur les côtes britanniques,  alors qu’il séjournait à Bruxelles.  Il retrouve donc définitivement la terre ferme et un travail dans une clinique bruxelloise.

Éloigné de son troisième foyer,  Jules aboutira finalement à Mons où il écrira encore,  grâce au récit de Claire, le « Journal simple d’une femme » (éditions Dricot - encore en librairie),  dans lequel il dénonce la vie quotidienne au sein d’un institut psychiatrique.  Il a rédigé aussi,  jusqu’à sa mort,  des poèmes et des nouvelles qu’il vendait de tables en tables aux terrasses et dans les restaurants (« Les songes de Diogil », « Souvenirs polaires », « Tiette de Polak »,  « M’man Lida », « Océane »  et  « Chronique de l’enfant d’un jour »).

Jules Brunin est décédé le mardi premier juillet 2003 à 14.30 heures au CHR Hôpital St Joseph de Mons,  d’une hémorragie gastrique et d’une septicémie.  Il a été enterré au cimetière de Mons (pelouse 8), le lundi 7 juillet à 11.00 heures après une bénédiction à l’église paroissiale de Messines. 

Jules Brunin écrivait souvent sous le pseudonyme de Diogil qui figurait sur ses documents d’identité officiels.


_____________________

  
"Les lésions non traitées entraînent de grandes souffrances :  parfois, elles détruisent l’organisme :  l’enfance abusée,  sous quelque type de violence que ce soit,  souffre de lésions à l’âme.  Tout le monde sait à quel point l’âme peut nous torturer :  ce que les gens ignorent,  c’est que les lésions faites à l’enfance, quand elles sont niées ou ignorées,  empêchent  toute guérison.

Les enfants des homes,  les enfants maltraités,  rejetés ou manipulés, ou alors sexuellement abusés ou violés, ne peuvent guérir sans que n’existe un pardon,  un je t’aime,  une  reconnaissance des faits et une réhabilitation sociale,  dans les cas les plus graves.

Jules Brunin a traîné avec lui toute sa vie,  une souffrance béante, une vulnérabilité et des peurs malgré lesquelles il a eu la force et la volonté de se révolter au nom des autres.

Personne n’ayant été capable de lui assurer l’amour dû à l’enfance,  Jules n’a pas été capable de trouver le chemin de la confiance, de l’amour-propre et de la sérénité qu’il aurait voulu pouvoir offrir aux gens qu’il chérissait dans son cœur.  Cette impuissance le rongeait : ceux  qui n’ont pas toujours pu comprendre ses passions ou qui ont pu,  à un moment ou l’autre,  se sentir déçus par lui,  doivent le lui pardonner."

Victor Khagan


_____________________



« BOIRE pour l’illusion de croire que je suis encore en vie,  de que je ne suis pas déjà mort,  alors que…
Car ce n’est qu’en buvant que je donne un coup de fouet à ce corps qui a perdu son CŒUR !!

« Prêtre de VIE dans la Rue de la LIBERTÉ,  buvant pour oublier mon âme…qui n’est déjà plus mienne mais vôtre,  mais TIENNE !!
Car j’ai lutté tant,  au-delà du POSSIBLE… Humainement résistible…

« Buvant pour oublier ce qui m’a coûté ma FOI et pouvoir lui SURVIVRE…
C’est seulement en buvant que je peux encore poursuivre
Pour ne pas encore,  pas encore MOURIR !! »

Jules Brunin

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire